Joseph Girard
Portrait de Joseph Girard par Miesienski frères, photographes d’Avignon
L'enfance
Le 11 février 1881 : naissance de Joseph Girard à Avignon au domicile de ses grands-parents maternels au 7 de la rue Thiers. Son père, Théophile, est originaire de Viverols en Auvergne, futur lieu de vacances de la famille Girard durant plus de deux générations.
À peine âgé de cinq ans, il perd son père, décédé à Nice d’une pneumonie. Il est donc élevé par sa maman, avec ses deux frères, Henri l’ainé et Pierre futur médecin et époux de Simone Girard une proche ami de Francis Poulenc. Il passe son enfance rue de la Croix à l’ombre du Palais des Papes. Il est un élève aussi studieux que brillant du collège Saint Joseph tenu par les Jésuites. Il en écrira ultérieurement l’histoire.
Les années d’étude et son début de carrière.
En novembre 1899 : conseillé par Léon-Honoré Labande, bibliothécaire du musée Calvet, Joseph entre à l’École des chartes. Il décide de faire sa thèse de l’école des chartes sur le Comtat Venaissin. En juillet 1901, il se dirige donc vers les archives de Vaucluse, au Palais des Papes. Il débutait ainsi sa carrière d’historien de la ville d’Avignon.
En janvier 1903, Joseph Girard sort deuxième de l’École des chartes en soutenant un mémoire sur Les États du Comté Venaissin jusqu’au XVIème siècle. Peu s'en faut qu'il ne puisse soutenir son diplôme. Seule une intervention télégraphique de Paul Meyer archiviste -paléographe et membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, lui assura la permission nécessaire et, au retour, une algarade au rapport de son capitaine pour cet acte d'indiscipline non hiérarchique.
Libéré de son devoir militaire, il est nommé à la bibliothèque de Rouen avant de rentrer dès octobre 1906 à Avignon pour succéder à L.H. Labande au musée Calvet. Il œuvre pendant quarante-deux ans, s'identifiant avec cette institution, se pliant aux changements des administrations et régimes pour mieux assurer la marche de sa maison.
Il œuvre activement pour l’académie de Vaucluse dont il est secrétaire à plusieurs reprises. Il est en cette qualité un invité de marque à l’enterrement de Frédéric Mistral en 1914.
Joseph Girard à l’enterrement de Frédéric Mistral à Maillane en 1914
La maturité
Il rentre de la guerre, capitaine. Il en est quitte pour une blessure à la tête. En février 1919 le radical-socialiste et anticlérical, épouse Marie-Thérèse Fabre de Loye, fervente catholique et première bachelière du département de la Drôme.
Elle est originaire d’une bonne famille implantée dans le nord-Vaucluse et le Sud de la Drôme qui compte trois religieuses guillotinées à la Révolution française pour avoir refusé de prêter serment et béatifiée le 10 mai 1925 par le Pape Pie XI. Elle est aussi fantaisiste et artiste que son mari est méticuleux est ordonné.
La Noce de Joseph Girard et de Marie-Thérèse Fabre de Loye
Joseph avec ses trois ainés, Henri, René et Marthe
Ils installent leur famille près des remparts, avenue de l'Arrousaire, dans une vaste maison de ses beaux-parents. Ils y élèvent leur cinq enfants Henri, René, Marthe, Marie et Antoine. Martha Girard, l’épouse de René raconte volontiers à quel point elle fut frappée, jeune épousée issue d’une famille méthodiste de l’Indiana, par la gaieté qui régnait dans ces murs. L'ainé deviendra médecin comme son oncle Pierre. Joseph fit entrer le deuxième, René, à l'École des chartes, guida ses travaux, avant qu’il s'exile très rapidement vers l'Amérique du Nord.
En 1930, paraît un très bel ouvrage Avignon, ses monuments, ses Hôtels, ses trésors d'Art, magnifique ouvrage publié chez l’éditeur et photographe marseillais Detaille.
Au début des années 30, il organise le déménagement des collections d’antiquité du musée Calvet vers le musée lapidaire.
Il se fait remarquer par ses conceptions novatrices en muséologie. Il aère les salles du musée Calvet et modifie radicalement la présentation des œuvres. Le musée Calvet quitte ses habits de cabinet de curiosité pour devenir le tout premier musée moderne. Il sera d’ailleurs invité à l’Ecole du Louvre en mars 1940 pour une conférence où il expose ses idées.
C’est sur lui que repose de la fin des années 30 la mise à l’abri des collections du musée susceptibles d’être détruite par la guerre qui s’annonce.
En 1944, il publie en collaboration avec Joseph Sautel, Sylvain Gagnière et Hyacinthe Chobaut Vaucluse, essai d'histoire locale.
En 1947, les organisateurs de la semaine d’art dramatique imaginée par Jean Vilar parmi lesquels on retrouve un certain René Girard se tournent vers lui. René, alors étudiant à l’école des chartes, fréquentait René Char. On l’envoya auprès de son père quémander une place à Avignon. C’est ainsi que la cour d’honneur du Palais des Papes devint le lieu emblématique du futur festival de théâtre.
Devant la fenêtre dite des indulgences surplombant la cour d’honneur du Palais des Papes. À gauche, Joseph Girard, au centre George Braque, à droite Marthe et Antoine deux enfants de Joseph.
La retraite au musée Calvet
En 1949, l’heure de la retraite a sonné. Il quitte ses fonctions de conservateur du musée Calvet. On ne veut pas le laisser partir sans lui octroyer la rosette de la Légion d'honneur.
En réalité cette retraite est toute relative. Il devient administrateur exécuteur testamentaire du Musée qu'il a si longtemps dirigé.
Il devient conservateur du Palais des Papes. Un de ses attributs était de faire visiter le Palais à des groupes de savants, mais surtout il accueille des visiteurs illustres, cardinaux, chefs d'État, ministres.
Mais on le trouve souvent à l’accueil du Palais dont il fait les honneurs à tous ceux qui s’y présentent.
Joseph et sa fille Marthe
En 1955 est publié l’histoire du musée Calvet. Puis en 1957, les Baroncelli d’Avignon qui reçut en 1959 le Prix Gobert de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.
Enfin, en 1959, comme couronnement de son travail, est publié aux éditions de minuit L’évocation du vieil Avignon, l’aboutissement de plus de cinquante ans de travail au service du patrimoine avignonnais. Près de soixante-dix ans plus tard, l’ouvrage fait encore référence et il se doit d’être présent dans la bibliothèque de tout Avignonnais qui se respecte.
En 1959, à la mort de Jeanne de Flandresy illustre femme de lettres et propriétaire du Palais du Roure, la mairie d’Avignon désormais propriétaire de ce lieu emblématique de la culture provençale, le nomme conservateur. Il occupe ce poste durant quelques mois seulement. Mais ce peu de temps suffit pour permettre à son fils René alors professeur au Bryn Mawr College de Pensyvalnie d’y fonder avec son collègue Michel Guggenheim, l’Institut d’Avignon qui accueille depuis plus de soixante ans des étudiants américains afin qu’ils y étudient la littérature française pendant deux mois d’été.
En juin 1961, la maladie l’oblige à cesser ses activités. Le 26 mai 1962, Joseph Girard est enlevé à l’affection des siens. Il repose désormais près de sa femme et de ses fils au cimetière Saint Véran à Avignon.
Joseph Girard en 1960 au baptême de sa petite-fille Mary la fille de René.
Cette biographie a été établie en s’appuyant sur des souvenirs de famille et sur la nécrologie écrite par J.de Font Réaulx pour une publication de l’école des chartes
(Font-Réaulx Jacques de. Joseph Girard (1881-1962). In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1962, tome 120. pp. 325-329
Voir la biographie
René Girard
25 décembre 1923 : Naissance de René Théophile Noël Girard, avenue de l’Arrousaire à Avignon. Sa maman Marie-Thérèse Fabre est une catholique fervente. Son père Joseph Girard est radical socialiste. Il a étudié à l’Ecole des chartes. Il est un brillant conservateur, bien installé dans le paysage du patrimoine avignonnais auquel il consacre sa vie.
Maison natale de René au chemin de l’Arrousaire à Avignon aujourd’hui démollie
C’est un petit garçon très vivant et très studieux qui deviendra un jeune adolescent turbulent.
René et sa petite sœur Marie
Il a hérité de la fantaisie de sa mère et des idées anticléricales de son père. Il est renvoyé du lycée Mistral à la suite à une blague jugée de mauvais goût par les autorités. Son père le prépare donc au baccalauréat qu’il obtient brillamment.
Après une mauvaise expérience de trois semaines dans une khâgne de Lyon, il rentre chez ses parents. Son père le prépare alors l’école des chartes qu’il intègre au début de la guerre.
Marie, René, Marthe, Antoine et Henri à la fin des années trente à Avignon
Autant son père bénéficie du tempérament du parfait chartiste, autant le déchiffrage de vieux manuscrits et l’archivage de documents notariés ennuient le jeune René.
Aussi, après avoir participé à l’organisation de la première semaine d’art dramatique imaginée par Jean Vilar à Avignon et qui deviendra par la suite le festival d’Avignon, il part dès 1947 aux Etats-Unis avec une bourse du gouvernement français, fuyant le poste d’archiviste qu’on lui offrait à Rabat. Il enseigne le français à l’Université d’Indiana.
1950 : il obtient un doctorat d’Histoire à l’Université d’Indiana. Sa thèse porte le titre de American opinion of France : 1940-1943. Par ailleurs, il commence à enseigner la littérature française.
18 juin 1952 : il épouse Mlle Martha McCullough, bibliothécaire, selon le rite méthodiste.
1952 : il devient professeur à Duke Université en Caroline du Nord.
1953 : il est nommé professeur assistant à Bryn Mawr College, un prestigieux collège réservé aux jeunes filles, en Pennsylvanie, près de Philadelphie.
1955 : naissance de son premier fils, Martin.
René Girard, son épouse Martha et son fils Martin
C’est un petit garçon très vivant et très studieux qui deviendra un jeune adolescent turbulent.
1957 : il rejoint l’Université de Johns Hopkins de Baltimore.
1958 : naissance de son deuxième fils Daniel.
1960 : il passe une année près d’Avignon où il termine Mensonge romantique et vérité romanesque son premier ouvrage de critique littéraire qui défriche le terrain de la théorie mimétique
Mai 1960 : naissance de sa fille Mary près d’Avignon.
Juin 1962 : première session estivale de l’Institut d’Avignon qu’il fonde à Avignon au Palais du Roure avec un collègue Michel Guggenheim du Bryn Mawr College.
Du 18 au 21 octobre 1966 : il dirige un colloque international organisé par E. Donato et R.Macksey, sur Les Langages de la critique et les sciences de l'homme. Baltimore accueille, l’espace d’un week-end, la fine fleur de l’intelligentsia parisienne de l’époque : Jacques Lacan, Jean Hyppolite, Jean-Pierre Vernand, Gérard Genette, Jacques Derrida, Tzvetan Todorov, Lucien Goldmann, etc. Claude Lévi-Strauss manque à l’appel pour raison de santé. Ce sera donc le jeune Jacques Derrida (36 ans) alors inconnu qui marque les esprits par sa conférence qui dynamite le structuralisme. Alors que ce colloque a pour objectif de le faire découvrir aux universitaires américains, cette conférence ouvre la voie au post-structuralisme et à la déconstruction, au grand dam de Girard qui qualifiera cette French Theory de « peste » pour les universités américaines
1968 : il devient professeur à l’Université de Buffalo.
Les années bénies à Buffalo où il travaille à son futur ouvrage la Violence et le sacré
1972 : publication de La Violence et le Sacré. René Girard devient un anthropologue du religieux.
1976 : il retourne enseigner à Johns Hopkins pour quatre ans. Il se lie d’amitié avec Michel Serres.
1978 : publication de son ouvrage écrit en collaboration avec Michel Oughourlian et de Guy Lefort Des choses cachées depuis la fondation du monde.
16 juin 1978 : il est invité à l’émission Apostrophe par Bernard Pivot.
René Girard à Apostrophes (capture d’écran)
1981 : il est nommé à l’Université de Stanford en Californie.
1982 : publication du Bouc émissaire.
1985 : publication de La Route antique des hommes pervers comme une grande méditation du livre de Job.
1990 : publication de Shakespeare : les feux de l'envie. René Girard dit qu’il a l’impression que Shakespeare lui parle à travers les siècles.
1999 : publication d’un essai aux confins de la philosophie et de la théologie Je vois Satan tomber comme l'éclair.
17 mars 2005 : René Girard est élu à l’Académie française au fauteuil 37, le fauteuil de Bossuet.
15 décembre 2005 : il est reçu sous la Coupole par Michel Serres.
René Girard, le 15 décembre 2005 (photo de famille)
2007 : Publication d’Achevez Clausewitz dont l’introduction peut être considérée comme son testament intellectuel. Penseur de l’Apocalypse, René Girard nous livre son analyse de l’histoire contemporaine.
4 novembre 2015 : René Girard est enlevé à l’affection des siens à Stanford, en Californie.
15 février 2016 : une cérémonie religieuse est célébrée à l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés, à Paris. Avant la cérémonie, Michel Serres prononce une méditation de l’œuvre de Joseph Haydn, Les sept dernières paroles du Christ en Croix, interprété par le Quatuor Girard.